25 octobre 2008 6 25 /10 /octobre /2008 01:00

Au cours d’une conférence de presse en 1958, le général de Gaulle déclarait : « Je suis un homme qui n’appartient à personne et qui appartient à tout le monde. » Dans l’esprit du peuple, Charles de Gaulle reste d’abord une véritable légende, d’une stature absolument renversante. Fondateur de la Vème République, l’Homme du 18 juin 1940 marque à jamais son empreinte sur les sables mouvants du temps. Il a dominé l’Histoire pendant trente années, rédigé de nombreux livres, plus de 1000 pages dont ses stupéfiantes Mémoires, a été photographié et filmé d’un bout à l’autre de la planète, a été adulé ou vilipendé et pourtant, il demeure à jamais insaisissable. Nous connaissons, toutes et tous, l’invincible et indétrônable chef de l’Etat, aux allures de monarque, une figure charismatique, autoritaire, impénétrable, distante, apparaissant comme quelque peu orgueilleuse, voire hautaine, sous un aspect pour le moins gothique. Sa vie s’est tout simplement fondue avec son mythe derrière lequel il disparaît et se dérobe sous une carapace plutôt surprenante, mais sûrement pas indifférente. Dans tous les cas, personne n’a réussi à déceler la face cachée de cet animal politique hors du commun…

 

Le Général, pour cause, refusait systématiquement de dévoiler publiquement son intimité. « Je ne suis pas un fauve au jardin des plantes ! » s’écriait-il. Toutefois, dans son fief et refuge de la Boisserie à Colombey-les-Deux-Églises, derrière ce semblant froid et réservé, obnubilé par l’ordre, très axé sur les principes et surtout très soucieux des règles, d’une ponctualité scrupuleuse, se dégage un portrait de l’homme très touchant de sincérité, surtout empli d’amour pour les siens et sa famille et doté d’un humour éminemment caustique mais truculent. On y observe à la fois un mari, un père, un grand-père très affectueux, doux, attentionné, sensible, humain et surtout très attentif envers son épouse, ses enfants et petits enfants. En somme, il redevient un membre du commun des mortels, connaissant les mêmes joies et peines parentales. L’amour de Charles et Yvonne, c’est un peu comme celui de Tristan et Iseut la Blonde : les ronces, malgré la mort et les épreuves, continueront d’entrelacer à jamais leurs deux âmes pour l’éternité. De leur union du 7 avril 1921 naîtront trois enfants : Philippe, Elisabeth et Anne, une enfant trisomique. Charles de Gaulle sera toute sa vie très marqué par le handicap de sa fille et se montrera toujours très présent. Il sera d’ailleurs très affecté par son décès en 1948 et sera toujours très préoccupé par le sort de ses progénitures. Il créera en outre avec sa femme la fondation Charles de Gaulle, afin de permettre à des enfants infirmes de jouir d’une vie paisible dans un environnement adapté et agréable. Charles de Gaulle fut également très attaché aux traditions, repas et fêtes de famille, durant lesquels les membres se réunissaient autour de grandes tablées.

 

En parallèle, sa vie se mêlera constamment au destin historique et politique de la France. De son inclination indéfectible pour son pays, éclorera une vocation précoce avec la volonté d’accomplir de grands et ambitieux projets. Dans ses Mémoires de Guerre, au moment de la capitulation française à Vichy, il écrira : « Devant le vide effrayant du renoncement général, ma mission m’apparaît claire et terrible, c’est désormais à moi d’assumer la France. Il me faut gagner les sommets et n’en descendre plus jamais. » Soucieux de n’apporter que le meilleur à son pays, l’icône de la Résistance entre dans la légende d’abord en juin 40 puis en 1944, à Paris, lors de la fameuse descente des Champs-Elysées. Depuis, hormis sa longue traversée du désert de 1947 à 1958, sa popularité ne cessera d’atteindre les sommets. Il fut le bâtisseur de la décolonisation en 1962 lors des accords d’Evian qui accordèrent l’indépendance à l’Algérie, octroya le droit de vote aux femmes en 1946, rétablit la grandeur de la France, créa la Sécurité Sociale et avant tout fut l’initiateur de la paix en Europe en développant une collaboration étroite avec l’Allemagne et bâtit le régime politique républicain le plus long et le plus stable que la France n’ait jamais connu. Il fut cependant souvent malmené et décrié notamment par les Alliés lors de la Seconde Guerre Mondiale, touché dans sa chair par la violence au moment de l’Attentat du Petit Clamart, déstabilisé par sa mise en ballottage après les évènements de mai 1968. Toutefois, son sens du devoir, sa sobriété exemplaire, son sens des responsabilités et son patriotisme profond l’ont sans cesse emporté sur ses propres turpitudes, en dépit des nombreuses difficultés rencontrées. A aucun moment de son mandat politique, il n’a souhaité vivre dans le luxe ou n’a montré une quelconque faiblesse. Dans ses Mémoires d’Espoir, il affirmera : « Sur la pente que gravit la France, je n’ai d’autres buts à lui montrer que les cimes, d’autres routes que l’effort. »

 

A sa mort et précisément à ses obsèques le 12 novembre 1970, sa présence est paradoxalement toute aussi écrasante. Un hommage absolument immense lui est rendu à Colombey-les-Deux-Églises dans la stricte intimité et ensuite à Notre-dame de Paris par tous les grands chefs d’Etat. Sur l’avenue des Champs-Elysées, une foule infinie se masse jusqu’à l’Arc de Triomphe. Le silence olympien, au milieu d’une multitude impressionnante, rend l’atmosphère terriblement accablante.

 

Preuve que ce géant du vingtième siècle a définitivement marqué les esprits à jamais. Aussi, un Historial a été érigé, en sa mémoire, au Musée des Invalides à Paris. D’ailleurs, comme le souligne Edwin Percy Whipple : « Le talent arrive tant bien que mal aux conclusions, alors que le génie fait des sauts de géants.»

 

*De Gaulle, mon père, tome 1 & 2, de Philippe de Gaulle


Sandra WAGNER

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