Alors que s’achèvent les Mondiaux d’athlétisme d'Osaka disputés du 25 août au 2 septembre 2007, l’occasion est trop belle pour faire le lien avec deux ouvrages nés dans l’univers de l’athlétisme : « La tranchée d’Arenberg … » et « Entraîneur Papa monstre de sport ».
Tout deux ex-coureurs et passionnés d’athlétisme (400m), l’un d’eux s’est affirmé comme l’un des plus grands écrivains de sa génération et l’autre a nourri sa passion de l’athlétisme de haut niveau à travers un parcours d’entraineur hors norme, innovateur grâce à son abord psychanalytique du rapport entraineur entrainé … Le hasard aura voulu que leurs deux ouvrages autour d’une thématique sportive sortent au même moment, voici quelques semaines …
Outre ses aptitudes sportives, on connaissait Philippe Delerm notamment pour sa célèbre « première gorgée de bière ». Cette fois c’est vers le sport que sa plume dirige sa poésie avec son dernier ouvrage : « La tranchée d’Arenberg – Une gorgée de sport » . Et ça marche à nouveau. Delerm c’est plus que les petites anecdotes qu’il sème à travers ses livres, c’est la façon dont il les raconte. C’est les choix des bons mots, c’est la finesse de l’écriture, c’est un petit conte du quotidien rendu poétique, extraordinaire, voluptueux.
Cela dit, cette fois, on sort quelque peu du quotidien pour entrer dans l’événement en lui-même. Delerm ne nous narre plus la douceur d’aider quelqu’un a écosser des petits pois, mais les petites joies du sport en général, du rugby et du foot jusqu’au curling ou au ping-pong. Lui-même ayant été un sportif de haut-niveau, on comprend qu’il puisse y trouver une beauté singulière, inaccessible aux allergiques des terrains de foot, ce qui est mon cas.
Et pourtant, j’ai beau ne rien y connaître, j’ai beau avoir une aversion pathologique pour le sport, l’écouter en parler c’est se lover dans une douce moiteur, un cocon de détente… Même lorsque l’athlète dont il est question m’est totalement inconnu, même lorsque le sujet me passe a mille lieues au dessus de la tête. Une chose est sûre : qu’il s’agisse de réconcilier les indécrottables rats de bibliothèque avec l’ambiance des stades, ou de faire renouer les athlètes ayant pour la lecture une aversion totale, avec la poésie, c’est une réussite sur les deux tableaux. On attend ses prochains petits moments de délice avec la plus grande impatience.
Non loin de l’ouvrage de Delerm, mon libraire préféré proposait une première publication de Patrice Ragni : « Entraineur, Papa, Monstre de sport ». Un titre surprenant, en fait emprunté à sa fille, qui le surnommait de la sorte. Ici la poésie n’est plus de mise, pourtant le courant passe. Il ne s’agit pas d’un roman, mais plutôt d’un essai, traitant de la place de l’entraineur dans la réussite des athlètes. Ceci, vu sous différents angles : la formation de l’entraineur, la question de l’utilité de celle-ci, l’implication de l’entraineur dans la vie de l’athlète, et surtout, l’importance de la psychologie dans la bonne compréhension des athlètes et de leurs capacités. Au milieu de toutes ces questions, Ragni en profite pour rendre un hommage sincère et touchant a sa femme et sa fille, selon lui trop souvent délaissées au profit de son métier.
Si j’ai tendance à trouver que la plupart des thèmes sont assez vite laissés de côté, celui de la relation entraineur-entraîné vu par la lorgnette de la psychologie est, quand a lui, très enrichissant. D’abord parce qu’il expose avec justesse sa conviction que la psychologie est pour les sportifs un enrichissement et un moteur supplémentaire pour aller au bout de soi-même et de ses performances, et pour les entraineurs essentielle à connaître pour maximiser le potentiel de leurs recrues. Mais surtout, parce que ce thème est finalement assez universel, et peut facilement déborder du domaine purement sportif pour s’appliquer tout aussi bien a n’importe quel enseignement. Cette relation toute symbolique ou l’enseignant prend pour un temps la place des parents, qu’il fasse profiter de ses savoirs dans le domaine de l’art, de l’artisanat, ou même simplement dans le cadre scolaire, est crucial à assimiler pour optimiser cet art bien délicat qu’est la transmission du savoir.
Un livre enrichissant donc, dont on ne peut que déplorer la mauvaise qualité de l’édition (relecture orthographique, changements arbitraires de police rendant la compréhension difficile, surtout lors des retranscriptions de dialogues). A conseiller entre autres à ceux qui se destinent à ce métier, afin de mieux cerner les aspects les plus importants et pourtant les plus controversés de leur future fonction.
Pascal GATTY