1 juin 2011 3 01 /06 /juin /2011 17:31

Vous ai-je parlé des conduites ordaliques ? Non, ce n’est pas un groupe de post rock bigouden mais un concept crée par les psychiatres M. Valleur et A. Charles-Nicolas que l’on pourrait résumer comme « les vécus de défi et de risque mortel, notamment à l’adolescence. Il s’agit pour de se sentir vivant, par le biais d’une apparente recherche de la mort. » Pour résumer, il s’agit pour les ados de faire chier leurs parents en faisant des conneries genre sauter du toit en back flip, filmé par un pote pour le mettre ensuite sur internet. Ou encore de piquer la voiture du paternel pour rejoindre ses camarades de classes dans un bois, dansant autour du feu, imbibés d’alcool, pieds nus, en chantant « papillons de lumières ».

 

La première partie de Christophe Corbier à la MJC Pichon de Nancy était assurée par un groupe pré-pubaire dont j’ai oublié le nom (veuillez m’en excuser, si vous passez par là, n’hésitez pas à le noter dans les commentaires). Cinq garçons et une fille (non, ce n’est pas le scénario du téléfilm érotique du dimanche soir), se présentaient avec une touchante timidité. Tous jouaient une chanson française matinée de variété avec l’application des bons élèves de l’école de musique. Le batteur assurait très bien la rythmique même si son tee-shirt des Beasties Boys trahissait un désir secret d’envoyer une sauce un peu plus funky. Le bassiste, au physique fluet, maîtrisait un instrument derrière lequel il pouvait disparaître entièrement. Le guitariste nappait les compositions de riffs et de solos de bonne facture, répétés entre deux réunions du club d’échecs du collège. Le pianiste est sûrement un bon élève de Christophe. Son apport musical et scénique m’a, par contre, complètement échappé. Le chanteur, dont les camarades de classes garnissaient copieusement les travées, si j’en croîs les encouragements généreux mais troublés par une mue vocale inachevée, se distinguait par un style vestimentaire plus recherché (chapeau en cuir et veston, ce qui peut vous permettre de rentrer dans toute bonne boite échangiste qui se respecte), un passage de la guitare au saxophone qui force le respect et un joli timbre de voix. Une chanteuse tout droit sortie des castings de radio-crochets télévisuels faisait une apparition aussi utile qu’un nain de jardin sur une bûche de Noël.

 

Au-delà d’une description, je vous l’accorde un brin cynique, de conduites ordaliques, il n’y a pas eu. J’attendais vainement le moment où ces jeunes musiciens allaient déchirer leurs jeans, faire péter les enceintes, dire des gros mots au micro, comme tout bon jeune qui se respecte. Mais point de rébellion. Juste une demi-heure de chansons convenues, qui ne risquaient pas de décoiffer mémé Jaqueline, portant des textes respectant les critères de sélection de Radio Nova, écrits en buvant des boissons sans alcool en attendant l’heure du goûter. Leur premier album est déjà prêt à passer sur Chéri FM.

 

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J’ai découvert par la suite l’univers de Christophe Corbier. Et je suis passé du concert du dimanche après-midi en maison de retraite à la bande-son d’un vieux polar américain. Même si le titre « Paradis Contraires », qui donne son nom au nouvel album de Christophe Corbier, sonne résolument pop, le reste tire le meilleur des excellents musiciens l’accompagnant pour imposer une ambiance digne du Blue Note. Je vous vois arriver lecteurs. Non, Môssieur Louis ne s’abaissera pas à résumer la musique de Christophe Corbier à un savant mélange de Christophe, le chanteur qui cherche sa meuf sur la plage depuis 40 ans, et Corbier, chansonnier télévisuel qui commençât sa carrière avec Brassens pour la terminer avec les Musclés.

 

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Une batteuse qui prouve que l’instrument ne nécessite pas de chromosome Y pour savoir s’en servir à la perfection, une contrebasse, l’instrument le plus sexy qui existe, caressée avec virtuosité par son amant et un guitariste discret mais efficace, composent la bande à Corbier. Ils sont rejoint plus tard par Georges Clooney au saxophone, un musicien au look improbable jouant d’un instrument tout aussi improbable et d’un violon et violoncelle, donnant aux derniers titres du set des nuances de couleurs aussi sobres que précieuses.

 

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Pour l’anecdote et afin de modérer mon enthousiasme, je dois vous avouer qu’il n’y eu pas que des choses positives. J’ai d’ailleurs passé une grande partie du concert à moquer, avec ma chère et tendre complice de médisance, des textes qui méritaient bien plus d’orner une chanson variétoche d’Hélène Séguara que les compositions résolument jazzy de Christophe Corbier. Jusqu’au moment où le chanteur a remercié le parolier, venu spécialement de Pau, et qui avait décidé d’écouter l’intégralité de ses textes assis juste… à côté de moi. Qu’il trouve ici même des excuses pour la forme mais une certaine idée que je me fais de l’éthique m’empêche définitivement de retirer ce que je pense du fond.

 

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Au bout du compte, l’heure et demi de concert est passé aussi vite qu’une résolution de début d’année, ce qui est toujours bon signe. Christophe Corbier se révèle un musicien efficace et son album tout autant. Je lui attribue le label Môssieur Louis de qualité.

 

Photos : Hana Matsuri

Article : Môssieur Louis

 

Plus d'informations sur Chistophe Corbier :

http://www.myspace.com/christophecorbier

 

Photos Hana Matsuri

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