Le Seven Casino d’Amnéville, ne vous y trompez pas, est bien un casino, avec tout ce qu’il compte de gens hallucinés accrochés aux machines à sous et de wannabe Bruel aux tables de poker. Mais ce qui nous intéresse est en bas : une petite salle de spectacle toute moquettée et basse de plafond. Et là, surprise, le public donne l’impression d’avoir passé une frontière sociale en descendant l’escalier : tout ce que la Lorraine compte de t-shirts The Kooples se presse devant la scène. Pendant une seconde, je me demande si je me souviens bien de la chanteuse naturelle et funky que j’avais vu un jour dans une interview, ou si par hasard ici ce ne serait pas plutôt le concert de Sissy Mood and the Brick, sombre groupe alternatif parisien tellement hipster qu’il n’existe pour l’instant que dans mon esprit tourmenté. Bref, le public de Lilly Wood and the Prick au Seven Casino, c’est une étude sociologique à lui tout seul, composé à 50% de bottines/slim/trucs vintage, accrochés aux bras de 50% de barbiche/Wayfarer/bonnet. Des jeunes hommes qui ont l’air de se demander ce qu’ils font là, et me regardent comme s’ils ne savaient pas ce que je fais là non plus, vu que j’ai pas revêtu mon uniforme comme tout le monde. J’en déduis (à tort, mais vous verrez ça plus tard), que ce sera de la musique mélo de fille qui traîne son mec à un concert (parce qu’il va y avoir « leur » chanson).
J’abandonne un peu ma circonspection devant première partie qui me dit « no no no » dans un
anglais chewing-gum, sur des airs rock plutôt efficaces. Ca se trémousse un peu chez The Kooples.
Tout aveu à faire, ce groupe était fort sympathique, mais je n’ai aucune idée de leur nom, faute de présentation, et il est introuvable via les sites concernant Lilly Wood. (si vous me lisez, faites coucou, faites promo.)
Passée cette introduction, Nili, la susmentionnée chanteuse naturelle et funky, entre sur scène avec le reste du groupe, et le choix de la première chanson m’a autant minée qu’emportée : très sombre, la voix de la chanteuse nous plonge dans une atmosphère mélancolique, profonde, presque glaçante.
C’est à la fin de cette chanson magnifique et déchirante que je commence à comprendre, alors je
reviens sur terre avec les cris enthousiastes du groupe qui chauffe le public : non, Lilly Wood and the Prick n’est pas un groupe de hipsters et de filles qui emmènent leur mec à un concert. C’est un groupe complètement barré et sympathique qui cherche à faire passer de l’émotion à travers sa musique, le fait souvent de façon décalée, mais fait mouche à chaque fois. Difficile de ne pas rester scotché, yeux grands ouverts, devant tant de force et d’agitation sur scène. Romantique ? Oui, certainement. Plombant ? Finalement, pas du tout. Le batteur ne fait pas de figuration, et les envolées vocales de diva de Nili me rappellent que Down the Drain et This is a love song sont si efficaces qu’ils ont servi de fond sonore pour des spots TV de marques haut de gamme. Et si efficaces que j’ai oublié que j’étais fourrée aux aprioris il y a encore quelques minutes, et que je fredonne, les bras en l’air, bien prise au jeu de ce concert qui fait énormément participer un public qui le lui rend bien. En plus de savoir exploiter la touche particulière d’instruments variés (flûte traversière, tambourin, keytar...), toute l’identité du groupe repose sur une fraîcheur et une énergie qui emporteraient le plus réfractaire des spectateurs. Impossible de ne pas répondre aux questions chaleureuses de Nili, de ne pas être touché quand elle parle de donner de l’amour au public, et de ne pas crier quand elle en réclame. Lilly Wood and the Prick, c’est l’un de ces trop rares groupes à l’identité très marquée et en même temps indéfinissable ; c’est le naturel de la folk, le délire de l’électro, l’énergie du rock et l’efficacité de la pop, un mélange fou servi ici par un véritable spectacle live. Pas besoin de scénographie ou d’effets complexes, l’éclairage un peu mystique et très intimiste sert parfaitement l’ambiance. Le groupe occupe son espace comme s’il était chez lui, et ça finit, comme dans une vraie fête, tous vautrés sur la batterie à force d’avoir sauté partout.
En sortant de ce concert, j’avais envie de chopper tous les types aux machines à sous par le col et de leur dire d’écouter « Lilly Wood and the Prick, vous avez de quoi noter ? Parce que c’est trop bien hein ! ». En bref, ce groupe pourrait emporter bien plus de spectateurs et d’auditeurs qu’il n’en a, et je ne saurais que conseiller à tous, tous goûts musicaux confondus, de tomber amoureux de leur album " The Invincible Friends ". Et surtout, de ne pas les oublier en attendant leur prochain album, actuellement en cours d’enregistrement, et surtout leur prochaine tournée. Et oui, le hasard m’a emmenée au tout dernier concert d’un long road trip musical… C’est la fin d’une page, mais soyez prêts pour la suivante !
Article & Illustration : Marine Pellarin