30 janvier 2010 6 30 /01 /janvier /2010 14:12

T'iiga Fato – l’arbre fou en Dioula, dialecte du Burkina Faso – est un projet pharaonique. Au travers d’un métissage musical entre un groupe Meurthe et Mosellan – la Roulette Rustre – et un groupe Burkinabais – les Frères Diarra – T'iiga Fato est tout à la fois un spectacle musical itinérant comme la création unique et en commun de 12 chansons aux origines entremêlées mais également un projet culturel, environnemental et éducatif. Avant de devenir d’ici à avril prochain le nom d’une exposition artistique relatant un fabuleux voyage.


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Pour en savoir un peu plus, nous sommes parti à la rencontre de Marina Midon, représentante de l’Association L’art ou l’être porteuse du projet, et du président de l’association, également musicien : Fabrice Veray.

 

Melting-Actu :

Quel est l’origine de ce projet ?

 

L’Art ou l’Etre :

En 2006, l’association Lorraine Terre de Plumes, association nationale éducative dans les domaines de l’environnement, la culture et la citoyenneté en France et au Burkina Faso a fait venir en France une troupe nommée Badeya. Celle-ci fût accompagnée dans la réalisation de sa tournée et l’enregistrement d’un album par La Roulette Rustre, disposant d’un studio.

Deux ans plus tard, Fabrice est parti avec Terre de Plumes ramener les albums enregistrés et présenter deux clips réalisés. Terre de Plumes soutenant de nombreux projets culturels, nous avons été amenés à rencontrer différentes associations, mais aussi cette troupe des Frères Diarra. En rentrant, l’idée s’est posée de réaliser une tournée au Burkina avec la Roulette Rustre. Après, on s’est demandé s’il ne fallait pas faire plus qu’une tournée, ayant la volonté d’avoir une activité à la fois avec La Roulette Rustre mais aussi des activités pédagogiques autour de la musique. Partageant des valeurs comme l’éducation ou l’environnement avec Terres de Plumes, l’idée était donc de faire plus qu’un spectacle. S’est alors également rajouté l’AJIBEC, l’Association des Jeunes Burkinabés pour l’Education et le Civisme. L’idée était d’avoir quelque chose de concret en terme d’action.

 

 

Melting-Actu :

Dites-nous en plus sur ce spectacle musical ?

 

L’Art ou l’Etre :

Les Frères Diarra, présents aux NJP l’an passé, avaient profité de leur passage en France pour animer différents ateliers musicaux dans le grand Nancy. C’est à ce moment là que La Roulette Rustre s’est rapproché d’eux pour sceller le projet. Terre de Plumes a alors convenu avec eux de réaliser une sorte de résidence, préparant également le spectacle t'iiga Fato. On a commencé à préparer le projet depuis automne 2008. L’idée est d’avoir 6 chansons de la part des Frères Diarra, et 6 chansons de la part de La Roulette Rustre. On départ on ne savait pas bien comment on allait pouvoir faire la mise en commun. On voulait faire un échange par mail avec location de studio chacun de son côté. Mais cela paraissait assez compliqué, notamment en terme de temps. Finalement, la troupe Burkinabé est venue à l’automne 2009 pour une mise en commun durant deux mois avec La Roulette. On voulait vraiment un spectacle musical métissé, sans savoir ce qu’allait donner ce métissage. On avait pas mal d’appréhensions et de représentations initiales. De notre côté, on s’est rendu compte que les morceaux n’avaient rien à voir avec ce qu’on avait l’habitude de créer avec le groupe. Du fait déjà d’avoir limité les instruments, afin de pouvoir aller jouer partout au Burkina en réduisant les contraintes. Du fait également d’avoir un spectacle plutôt acoustique, les voix et les cordes uniquement étant sonorisés. La question du sujet également du spectacle nous a dirigé ailleurs, notamment autour du thème de l’arbre fou.



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Melting-Actu :

Comment s’est passé le mariage entre instruments Occidentaux et Africains ?

 

L’Art ou l’Etre :

Chacun des groupes utilise les instruments dont il a l’habitude de jouer. On a du ensuite adapter vis-à-vis des gammes, de notes dissonantes ou impossibles à jouer sur l’un et l’autre type d’instrument. Seul notre batteur joue de la calebasse, mais les autres musiciens ne jouent que ce dont ils ont l’habitude de jouer, histoire de garder de la qualité.

On a également voulu casser les codes établis nord-sud, où le cliché voudrait que musique africaine rime automatiquement avec percussions. Ici, on a du Balafon, de la flûte, bien évidemment du Djembé, du Doum Doum.

Certaines rythmiques très binaires les ont parfois mis en difficulté, alors que pour nous Occidentaux, jouer leur rythmique était parfois très compliqué.


 

Melting-Actu :

Le projet comporte combien de musiciens ?

 

L’Art ou l’Etre :

Nous serons 8 musiciens de la Roulette, les Frères Diarra étant 7. Ce qui va faire du monde sur scène. Ca nous a obligé à réfléchir la disposition sur scène, la sono, la mise en ambiance lumineuse. Chaque place et volume sonore a du être calculé.


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Melting-Actu :

Et au niveau des textes ?

 

L’Art ou l’Etre :

Chacun de notre côté, nous avons écrit nos textes. Ensuite, lors de la rencontre, nous nous sommes expliqués mutuellement les thèmes des chansons, sans demander à l’autre de traduire mot à mot les titres ou les paroles, chose souvent impossible. On parle plutôt des thématiques, de ce que raconte le texte. L’autre écrit ensuite un couplet ou un refrain en réponse à ce qui a été écrit. On essaye de traduire les sentiments. Par exemple, les Burkinabé ont un mot qui définit le sentiment de l’absence lorsque quelqu’un part. Quand on va aller au Burkina et qu’on va repartir ensuite, ils nous ont expliqué qu’ils avaient un mot pour expliciter cette absence. Du coup, nous on doit s’adapter et traduire avec nos mots et nos images un tel sentiment. Au départ, on ne pensait pas rencontrer de telles difficultés. Le métissage ne se crée pas comme ça. Ils ont une culture orale beaucoup plus développée que nous. Ils possèdent une spontanéité dans l’échange bien plus forte.

 

Melting-Actu :

Quels sont les thèmes évoqués ?

 

L’Art ou l’Etre :

On n’est pas dans une écriture revendicative, bien que les thèmes tournent autour par exemple de l’environnement ou des relations sociales, affectives. On est plutôt sur une façon d’écrire sous forme de contes, plutôt interrogative, sous forme de liens. L’Herbe folle parle par exemple des OGM, sans tomber dans le très basique « les OGM c’est pas bien », mais on a pas voulu dire les choses de but en blanc.  


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Melting-Actu :

Dites-nous en plus sur le spectacle ?

 

L’art ou l’Etre :

Le principe du spectacle est d’être indépendant. De pouvoir se déplacer partout sans aller pomper les ressources locales. On a pensé à un spectacle revendiqué comme écologique. Le projet est culturel, mais avec une dimension environnementale. On a voulu imaginer un spectacle plutôt acoustique afin de limiter le coût, où les enceintes servent également de retours avec une ambiance lumineuse légère mais chouette principalement à base de leds. On a ensuite fait notre coût énergétique pour nos spectacles, histoire de voir en watts combien on va dépenser. De là, on a calculé nos besoins en terme de panneaux solaires. On passera la journée à recharger les batteries, pour le spectacle du soir, totalement autogéré. On n’utilisera donc rien au niveau énergétique. On a du coup aussi cette liberté de pouvoir se poser où on le souhaite. De plus, nous avons prévu avec des associations locales de laisser les panneaux solaires aux différents villages que nous visiterons, afin qu’ils soient réutilisés.

 

 

Melting-Actu :

Comment va se dérouler le voyage au Burkina ?

 

L’Art ou l’Etre :

Du 8 au 14 février, nous serons en résidence à Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, afin de peaufiner le spectacle. Nous avons également prévu d’intervenir au travers d’animations dans une école de la ville.

Les dix jours suivants, jusqu’au 25 février, nous irons jouer à Bobo Dioulasso, capitale culturelle du Burkina, mais également dans le village natal des Frères Diarra. L’objectif est de développer leurs troupes. On a donc prévu d’aller jouer dans les endroits qui leurs seront profitables.


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Melting-Actu :

Et en dehors du spectacle musical, avez-vous prévu d’autres activités ?

 

L’Art ou l’Etre :

Bien sur. L’idée était de favoriser les échanges à tout point de vue.

Piloté par l’AJEBEC, travaillant avec des structures locales autour de la question du civisme et de la citoyenneté chez les jeunes, nous allons également engager le dialogue avec les populations locales. A chaque endroit où nous nous rendrons, nous animerons des ateliers et forums-débats autour de la citoyenneté. L’idée est d’avoir un partenariat, une action, entre deux groupes, avec à la clé une création artistique. Finalement, le spectacle du soir est un peu l’illustration des discussions de la journée. D’autant plus que chaque première partie des concerts sera réalisée par un groupe local.

 

Melting-Actu :

Ce rôle « d’instructeur » vous convient-il ?

 

L’Art ou l’Etre :

Nous avons pu nous rendre compte que bien souvent, le « blanc » est là haut considéré comme celui qui apporte la solution. Quelque soit le public avec lequel on travaille ou dans nos chansons, on a jamais voulu être dans ce rapport. On veut être là haut pour vivre et faire vivre quelque chose, interroger, mais leur laisser trouver les réponses. On ne veut pas de cette démarche « néo-colonialiste ». On souhaite au contraire proposer une sorte de contre-proposition, assez modeste bien sûr, on y va avant tout pour faire de la musique.

 

Melting-Actu :

Y a t’il des enregistrements ou un cd de prévu ?

 

 

L’Art ou l’Etre :

Initialement, nous n’avions pas prévu d’enregistrer quoi que ce soit, de manière professionnelle. Mais, des partenaires, comme les Centres Culturels Français au Burkina, nous ont demandé un aperçu du travail. Du coup, on a dû passer par le studio, vu qu’il était impossible de capter en live 15 musiciens en une prise. On a donc une démo composée de deux morceaux.

 

Melting-Actu :

Qui soutient votre projet ?

 

L’Art ou l’Etre :

Actuellement, nous sommes surtout soutenus par le Conseil Général de Meurthe et Moselle et le Conseil Régional de Lorraine qui ont été assez attentifs à notre dossier. Dans le cadre des projets dits de solidarité internationale, notre proposition est assez novateur et parfaitement cohérant. C’était un peu le but de notre démarche, qui a été pensée de manière globale. C’est visiblement ce qui a plus à ces institutions.

Mais c’est vrai qu’au niveau de partenaires privés, on a plus de mal à rentrer dans une case, ce qui a tendance à nous priver des fondations par exemple. Ca fragilise un peu le budget, mais on se débrouillera pour le boucler.  

 

Melting-Actu :

Quel sera l’épilogue de ce voyage ?

 

L’Art ou l’Etre :

Le voyage pourra être partagé par tous au travers d’une exposition elle aussi itinérante.

Sa première sortie interviendra le 23 mars, à Metz, pour le Congrès Ecole et Nature.

Intitulée t'iiga Fato, retour à nos racines, l’expo se veut visuelle, sonore. Bref sensorielle. L’exposition sera proposée à différents publics : collectivités, associations, prisons, écoles.     

On va forcément rajouter des sons, des mots, des photos. Chaque participant sera muni durant tout le voyage d’un carnet pour noter ses impressions.

On ne veut pas faire une expo pour se lamenter sur le sort de l’Afrique ni critiquer le rôle des « blancs ».

Evidemment, il y aura de l’engagement. Des questions qui dérangent. On veut un autre regard sur le Burkina Faso au travers de ce qu’on aura vécu.

On a prévu également de présenter l’exposition à la prison de Saint-Mihiel. On a travaillé avec les détenus de novembre à décembre dernier, où des musiciens de la prison ont écrit deux chansons supplémentaires pour le projet t'iiga Fato.

 

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Melting-Actu :

Et pour ceux qui veulent suivre au plus prêt votre aventure ?

 

L’art ou l’Etre :

Nous avons mis en place un blog, http://www.tiigafato.org, où chacun peut suivre l’avancement du projet, au travers des répétitions, des créations du spectacle, de l’expo, des compositions. Des extraits sont également disponibles, ce qui a vu naître la création d’un nouveau style de musique : L’Afro fanfare.

Au Burkina Faso, nous ferons également un compte rendu aussi souvent que possible relatant notre voyage. On pourra donc suivre toute la tournée au Burkina Faso.

L’exposition sera vraisemblablement faite dans un bus, nous permettant également de nous installer partout où nous serons les bienvenus.

 

Melting-Actu :

Et bien merci et bon voyage !

 

L’art ou l’Etre :

Merci et à très vite.

 


 

Propos recueillis par Ugo Schimizzi et Juliette Delvienne


 

Plus d’informations sur le projet t'iiga Fato :

http://www.myspace.com/tiigafato

http://www.tiigafato.org

Plus d’informations sur l’association l’Art ou l’Etre :

http://www.myspace.com/lartouletre

http://www.larouletterustre.com

 

Plus d’informations sur l’association Terre de Plume :

http://www.terredeplumes.com

 

Plus d’informations sur le groupe la Roulette Rustre :

http://larouletterustre.com

http://www.myspace.com/larouletterustre

 

Plus d’informations sur les Frères Diarra :

http://www.myspace.com/lesfreresdiarra

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