Angelica gigas, acer palmatum, iris pseudocarus… font partie des chatoyantes invitées du festival des jardins de Chaumont sur Loire.
Le thème de cette 27ème édition est la pensée. Le lien entre le jardin et la pensée semble si naturel qu’une fleur en porte le nom. De Platon aux promenades philosophiques, d’Erasme à Voltaire, le jardin a sa place en littérature, en philosophie.
C’est un écrivain, d’ailleurs, qui a présidé, cette année, le jury du concours international : Jean Echenoz, fin observateur des jardins parisiens. Après une sélection d’une vingtaine de projets sur les 300 reçus, le jury a décerné des prix aux concepteurs (prix du design, de la création, prix palette…).
Le festival a ouvert ses portes au printemps et il évoluera jusqu’à l’automne (fermeture le 4 novembre 2018).
Le promeneur est libre de cheminer sur les 32 hectares du domaine qui comprend le parc historique, le pré du Goualoup, les jardins du festival, les écuries sans oublier le château.
Les scénographies du festival peuvent évoquer un auteur (Platon, Shakespeare, Voltaire, Proust…) ou une œuvre littéraire (Le jardin des supplices de Mirbeau, L’impossibilité d’une île de Houellebecq, Le livre des sables de Borges). Les jeux de l’Oulipo ont aussi leur place avec le jardin des voyelles.
Certains concepteurs ont travaillé de façon plus ouverte en se penchant sur la méditation (Le jardin du présent intensément), sur les rêves et les cauchemars (Attrape-rêves).
Quelques jardins nous invitent à être acteurs. En effet, dans Le temple de nos pensées, le visiteur va déposer une graine, symbole de sa pensée en devenir. Dans le jardin Bulles de pensées, c’est un fil de laine qui sera proposé. La laine pourra être nouée à la haie. A la fin du festival, celle-ci sera recouverte de toutes les pensées des promeneurs évoquant la tradition inca des quipus.
Dans d’autres jardins, la déambulation est au cœur du dispositif : Les sept vallées, Entrez dans la pensine. Alors que d’autres tableaux végétaux nous invitent à la méditation, à la contemplation, ou nous transportent dans l’univers et la psyché d’un auteur tel Proust.
Dans l’ombre de Proust
Un salon s’ouvre à nous. Imaginons que ce soit celui des Verdurin. Un piano, des fauteuils anciens, des lustres miroitants, des guéridons chargés de fleurs, de précieux miroirs. Nous voilà plongés dans l’univers mondain de l’œuvre de Marcel Proust. On se surprend à tendre l’oreille afin d’entendre la sonate de Vinteuil ou un froissement de robe en soie.
Puis un tilleul nous mène aux marches d’un petit jardin classique. Suit une ambiance de prairie où s’épanouissent des fleurs champêtres. Le chemin se rétrécit ensuite, bordé de bananiers, de palmiers et de bambous. L’atmosphère y est sombre et angoissante comme les nuits où le sommeil du jeune Marcel tardait à venir. Le promeneur, lui, y trouve sa madeleine.
V.D.
L’édition 2018 du Festival se révèle pleinement à la hauteur du choix à la fois inspiré et ambitieux, de cette thématique de la pensée. Cette 27eme édition explore avec bonheur les possibles de la pensée; du roman au cinéma, de l’écologie, à la pleine conscience, de l’interactivité, au rêvé…