Débarqué tout droit de l’ « Hôtel de l’Univers » en 2001, le retour à « La Réalité » ne l’empêche pas de rester à la hauteur de sa réputation. C’est pourtant alors qu’il arpente la France en « Caravane » que Raphael fait sa plus grande découverte. « Je sais que la Terre est plate » dit-il en se dirigeant calmement, tel un Funambule vers le fameux « Pacific 231 ». Et justement, le chemin du Pacific Tour a amené Raphael à faire escale au Seven, le casino d’Amnéville, pour deux soirées mémorables. Retour sur la première d’entre elles, le 24 mai 2011.
Amnéville. Le Galaxie, le Snowhall, les Thermes, le Zoo… Et le casino ! Nombreux sont ceux qui y sont entrés et en sont ressortis fauchés. Quelques-uns pourtant auront la chance d’y remporter le pactole, ou bien même de simplement ressortir avec autant que lorsqu’ils y sont entrés. Ce fut, hier soir, mon cas.
Car oui chers lecteurs, lorsque je me rends dans un casino, ce n’est jamais pour y jouer. En tout cas pas à des jeux d’argent ! Non, ce qui m’a attiré dans les confins du Seven hier soir, c’est bel et bien un concert. Le premier d’une série de deux dates offertes par Raphael à notre belle région. J’ignore tous les détails, mais il semblerait que le concert de hier soir ait été plutôt axé rock et celui du ce soir, 25 mai, soit plus intime (spectateurs assis). Je me garderai cependant de toute affirmation, n’étant pas moi-même présent dans la salle pour cette deuxième prestation.
Pour l’heure, revenons-en à nos moutons. 19h20, début de l’attente à l’intérieur du casino, pour avoir enfin le droit de pénétrer dans la salle de concert, située en sous-sol. 19h40, la file se met en mouvement, nous voilà autorisés à descendre poursuivre notre attente dans le couloir devant les portes. Couloir intéressant, probablement décoré par un adepte du Flower Power. Murs orange vif, lampes descendant en forme de têtes de champignons aux couleurs flashy et appliques murales ressemblant à des fleurs ou des trèfles à quatre feuilles. On se croirait au Pays des Merveilles à poursuivre le lapin blanc. 19h50, les portes sont ouvertes par deux agents de sécurité étonnamment sympathiques et souriants (on a tous le souvenir de l’agent grincheux dont le « bonsoir » s’apparente plus à un grognement et qui ne sourit jamais). Première surprise en entrant dans la salle : le sol est recouvert de moquette. Assez inhabituel pour une salle de concert. Mais nous sommes dans un casino, le luxe doit probablement être obligatoire…
Alors que je me trouve là, seul au milieu de la foule. Il me semble opportun de vous exposer un peu de mon point de vue sur Raphael. Pour ceux que ça n’intéresse pas, vous pouvez descendre directement au paragraphe suivant, mais il est possible que certaines allusions à celui-ci soient faites dans la suite du texte. Ne venez pas vous plaindre, vous voilà prévenus. J’ai découvert Raphael avec le célèbre Sur la route en duo avec Jean-Louis Aubert, puis plus récemment avec sa fameuse Caravane qui était tout simplement inévitable. Appréciant les trois premiers albums, une immense déception m’a submergé à ma première écoute de « Je sais que la Terre est plate ». Plat, c’est justement ce qui, selon moi, définissait le mieux ce disque. Et c’est sans scrupule que j’ai relégué Raphael au rang de ce que beaucoup considère qu’il est : une pâle imitation de Damien Saez lancé sur le marché pour contrer ce dernier (à la manière des Rolling Stones, lancés à l’époque pour contrer les Beatles). Et c’est donc plus pour les trois premiers albums que je suis venu ce soir, espérant ne pas trop entendre d’extraits du quatrième et priant pour que « Pacific 231 » soit différent.
20h40, les lumières s’éteignent, les musiciens s’installent sur scène dans un halo bleuté et sont rapidement rejoint par Raphael, apparaissant sous une vive lumière jaune. Veste négligemment posée sur un t-shirt aux motifs de fils barbelés, jean et lunettes noires. Une vision me vient à l’esprit. Celle d’un certains Serge Gainsbourg s’apprêtant à interpréter Aux armes, et cætera devant une foule mêlant fans et anciens combattants en colère. Sans un mot au public, Raphael s’installe au micro alors que Terminal B commence. Froid, glacial, Raphael déverse le flot de paroles récitées de cette introduction de concert plutôt inattendue pour moi. La colère et la rage électrisante que renvoie la musique, associée à cette manière si singulière de débiter le texte, me laissent plus que perplexe sur la suite du spectacle. Et puis tout s’arrête brutalement. Les hurlements commencent, les lumières se rallument et Raphael sourit et remercie son public. Il prend une minute pour expliquer que la soirée sera principalement rythmée par « Pacific 231 » et quelques incontournables. Il se sépare enfin de ses lunettes noires et se lance dans la suite de sa prestation.
Accompagné de sa formation rock habituelle, Raphael s’est adjoint, pour l’occasion, les services d’une violoncelliste plus que bien venue sur un peu plus de la moitié des morceaux, qu’ils soient électriques ou acoustiques. Car oui, non content d’offrir une prestation de qualité avec des morceaux transpirants un rock puissant et torturé, Raphael se paiera le luxe d’y disséminer quelques titres acoustiques pour lesquels il sera, le plus souvent, seul sur scène avec un sampler (appareil permettant d’enregistrer des « phrases » à la guitare ou à la voix pour les rejouer en boucle).
Il serait, bien évidemment, impossible de vous raconter en détail tous les évènements marquants de cette soirée. Je citerai tout de même les soli endiablés du guitariste Yan Péchin (merci à Raphael Haroche Net), le festival de sonorités étranges sur un Schengen mémorable, un Dans 150 ans au violoncelle et à l’orgue vous collant la chair de poule, un medley au piano de trois ou quatre morceaux réduits à une minute chacun, la reprise de Modern Love (David Bowie) et Osez Joséphine (Alain Bashung), un Caravane revu et corrigé façon rock alternatif et un Sur la route offrant un ultime feu d’artifice pour les membres du groupe accompagnant l’artiste et quittant la scène un par un alors que la chanson continue.
Pas avare, Raphael offrira plus de deux heures de musique aux fans rassemblés dans la salle. Appuyé par un jeu de lumière de grande qualité, le chanteur laissera libre court à sa voix et à son talent, passant d’un morceau à l’autre, d’un univers à l’autre, avec une facilité déconcertante. Quelques fausses notes de-ci de-là, faites par lui ou ses musiciens, le feront sourire et accentueront un peu plus la complicité évidente qui s’est tissée entre les membres de la troupe. Une complicité qui n’est, malheureusement, pas suffisamment partagée avec le public. Hormis quelques « merci beaucoup » et deux ou trois mots de temps en temps, Raphael ne dira quasiment rien à la foule. Une espèce de timidité naturelle qui pourrait presque être perçue comme de la prétention s’il n’y avait ses sourires aux regards fuyant, typiques de la timidité.
C’est donc un excellent concert et une grande claque en pleine tête que m’a offert Raphael hier soir, au Seven d’Amnéville. Une prestation impeccable, une mise en scène sublime et quelques instants de folies pures (le guitariste jetant purement et simplement l’une de ses guitares sur scène avant de la piétiner), c’est incontestablement un nouveau Raphael qui est né avec ce dernier album, un artiste résolument rock, n’ayant pas peur d’oser et de s’aventurer là où les autres ne vont pas. Et il l’a prouvé sur scène.
Article : Dom' Panetta
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